"L'oreiller Abandonné en mer Ne se souviendra pas de la nuit Ni de l'effort des rochers Au creux du rêve" Hayat Ait-Boujounoui, La traversée, in Palpitations, chez L'Harmattan, 2018
Jamais je ne pourrai
Jamais jamais je ne pourrai dormir tranquille aussi longtemps
que d’autres n’auront pas le sommeil et l’abri
ni jamais vivre de bon cœur tant qu’il faudra que d’autres
meurent qui ne savent pas pourquoi
J’ai mal au cœur mal à la terre mal au présent
Le poète n’est pas celui qui dit Je n’y suis pour personne
Le poète dit J’y suis pour tout le monde
Ne frappez pas avant d’entrer
Vous êtes déjà là
Qui vous frappe me frappe
J’en vois de toutes les couleurs
J’y suis pour tout le monde
Pour ceux qui meurent parce que les juifs il faut les tuer
pour ceux qui meurent parce que les jaunes cette race-là c’est fait pour
être exterminé
pour ceux qui saignent parce que ces gens-là ça ne comprend que la
trique
pour ceux qui triment parce que les pauvres c’est fait pour travailler
pour ceux qui pleurent parce que s’ils ont des yeux eh bien c’est pour
pleurer
pour ceux qui meurent parce que les rouges ne sont pas de bons Français
pour ceux qui paient les pots cassés du Profit et du mépris des hommes
Dépêche AFP de Saïgon De notre correspondant particulier sur le Front
de Corée l’Agence Reuter mande de Malaisie Le Quartier Général des
Forces Armées communique Le Tribunal Militaire siégeant à huis clos
De notre envoyé spécial à Athènes Les milieux bien informés de Madrid
[...]
Il ne s’agit plus de comprendre le monde
il faut le transformer
Je te tiens par la main
la main de tous les hommes.
Claude Roy, Les Circonstances, Poésies, Ed. Gallimard, 1970